Loin de moi l’idée de me plaindre de mon travail, mais cette journée avait été particulièrement fatigante, j’en viendrais même à dire qu’elle était totalement éreintante. Je ne sentais presque plus mes jambes tant j’avais dû faire de pas aujourd’hui, mais ça en valait la peine, après deux lourdes opérations qui s’étaient finalement bien terminés, je faisais mon dernier tour de garde pour dire au revoir aux enfants et aux derniers parents encore présents, tout en répondant aux petites questions. Rendant ma blouse de médecin, je remettais ma veste de costume et prenais enfin le chemin de la maison, musique relativement forte dans les haut-parleurs de mon Audi, fenêtre ouverte pour apprécier l’air frais de cette fin de journée, le vibreur de mon téléphone attira mon attention et même si c’est mal, je le prenais en main, pour regarder furtivement les nombreux messages qui apparaissaient à l’écran. Sachant pertinemment qu’il ne s’arrêterait pas en si bon chemin pour m’agacer, je lançais le téléphone sur le siège passager, bien décider à l’ignorer jusqu’à mon retour à domicile.

Poussant la porte d’entrée, je vis Looping, le lapin de ma défunte fille, à toute vitesse dans le salon, une feuille de salade à la bouche, je suis d’ailleurs étonné qu’il ne se soit pas encore étouffé. Roulant des yeux, je m’installais sur le tabouret de l’ilot central, me décidant à regarder les millions de messages qui décorer désormais mon écran d’accueil de téléphone. Soupirant en me frottant le visage avec mes mains, j’acceptais de sortir entre amis ce soir, Arthur aura ma peau un jour, ou à l’usure, je n’avais pas encore décidé. Prenant une bonne douche chaude pour essayer de me détendre après cette journée, je me disais que cette soirée à elle seule me tuerait encore plus que trois jours de travail, connaissant les cas que j’allais retrouver. Je me mentais à moi-même si je disais que j’y allais à reculant, car en réalité, cette soirée me ferait le plus grand bien, je ne sortais plus autant depuis le départ de Jade et voir des amis n’était certainement pas de refus. Me parant d’une chemise blanche et d’un jean foncé, je reprenais les clés de ma voiture, laissé Looping en liberté dans la maison comme il en avait l’habitude et sortit en fermant derrière moi. Reprenant la route en direction du grand centre de Seattle, je repérais bien vite une place, une chance d’ailleurs en cette fin de semaine.

Prenant l’ascenseur pour monter jusqu’au rooftop, là où le bar se trouvait, j’arrivais le deuxième, Arthur étant déjà là, comme à son habitude. M’installant à ses côtés, je me doutais que j’aurais simplement dû m’installer le plus loin possible de lui. L’écoutant déblatéré sur ses nombreux coups d’un soir, j’aperçus un troisième invité, je le voyais comme le messie, venue me sauver de ce cher Arthur. « Holmes ! Comme va ? » Arthur est sa délicatesse. Soufflant de dépits tout en tournant la tête, je tendais ma main à notre cher ami. « Ça va Sherlock ? » Je poussais Arthur qui manqua dégringoler de sa chaise tout en me fusillant du regard, haussant les épaules, je reportais mon attention sur une autre personne que l’ego surdimensionné de mon ami. « Le travail ça se passe bien ? » Il me semblait qu’il avait un projet, mais ne sachant pas où s’en était, je préférais ne pas mettre les deux pieds dans le plat.

Ce petit groupe d’amis que nous étions depuis quelques années maintenant, m’apporter cette petite touche de folie qu’il me manquait, cette animation qui m’évite de sombrer. Cette dernière année était horrible pour moi, entre la perte de mon petit ange et ma séparation, si je n’avais pas eu mes amis et mon travail, je ne saurais pas où j’en serais aujourd’hui. Chassant ses idées noires de ma tête, je reportais mon attention sur Arthur qui venait de recracher la moitié de son verre d’eau après la réponse de Sherlock, on peut dire qu’il avait un don pour faire abstraction de la stupidité de notre cher ami, ignorant les regards des personnes nous entourant. « Belle note pour une journée qui sonne bien plus merdique ! » Par contre, j’étais fortement intéressé par son histoire de sauce bolognaise, espérant que tout comme le téléphone, l’erreur ne venait pas de lui. « Disons que personne n’est mort et je pense avoir perdu une quinzaine de kilos en marchant aujourd’hui… Si je devais noter ma journée, elle obtiendrait la petite note de 4/10, pour la participation. » Se plaindre de notre boulot était une petite habitude que nous avions prise, pour commencer par décompresser de nos journées merdiques et ensuite partir sur des meilleurs bases.

Levant de moitié ma main, en direction de la jolie serveuse qui s’avançait vers nous pour prendre commande, j’attendais que mes amis commandent pour prendre la mienne. « Je prendrais un verre de bourbon, un Elijah Craig, s’il vous plaît. » Même étant un fan de bière, ce soir, je n’avais qu’une envie, c’était de me changer les idées. Loin de moi l’idée de rentrer complètement bourré, je tenais quand même à ma voiture et mon permis également. La regardant partir vers le comptoir, je tournais la tête vers mes deux acolytes de la soirée. « Ça fait longtemps que je n’ai pas croisé le regard d’une femme, ou la serveuse est vraiment très mignonne . » Grattant ma barbe de ma main gauche tout en réfléchissant, je regardais les différentes courbes féminines qui me déplacer sous mes yeux. Secouant une nouvelle fois la tête pour chasser ses mauvaises pensées, j’attrapais une poignée de cacahuètes, me remplir l’estomac avant de boire n’était certainement pas une mauvaise idée. « Ton projet avance bien Sherlock . » Ma curiosité était à son maximum, cela faisait un moment que je ne l’avais pas vu et j’aimais vraiment savoir comment mes amis avançaient dans leur projet et surtout, si je pouvais leur venir en aide d’une quelconque manière.